Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 7 septembre 2023 (n° 19/19256)
Décision – RG n°19-19.256 | Cour de cassation
Pour assurer la promotion de son activité de restauration rapide sur place et à emporter de glaces et sorbets, l’appelante reproduisait sur ses supports de communication (site internet et profil Linkedin) un cliché photographique représentant une main trempant un bâtonnet glacé dans un bain de chocolat.
La société titulaire des droits sur cette photographie l’a assigné en contrefaçon.
Elle l’a également assigné en concurrence déloyale et parasitisme au motif que l’appelante aurait repris de manière servile la forme et la présentation de ses bâtonnets glacés, des éléments de sa communication, notamment sur Instagram, et de ses noms de glaces.
La Cour fait droit aux demandes fondées sur la contrefaçon mais rejette la demande sur le fondement de la concurrence déloyale.
- Sur la contrefaçon
Une des conditions de la protection par le droit d’auteur est l’originalité de l’œuvre revendiquée et ici la société appelante contestait le caractère original de la photographie utilisée.
La Cour constate cependant que cette photographie ne se limite pas à refléter un savoir-faire en matière d’enrobage de bâtonnets glacés mais que plusieurs éléments permettent de caractériser l’empreinte de la personnalité de l’auteur et donc l’originalité du cliché :
- La cadrage ;
- Le choix de l’instant mis en scène ;
- La gestion de la lumière ;
- Le choix des couleurs.
« Le cadrage réalisé, avec au premier plan les casseroles utilisées pour le glaçage et le topping, dont la première est légèrement floutée pour mettre en relief le second plan constitué de la main venant de tremper le bâtonnet glacé dans une casserole de chocolat, en saisissant l’instant où le chocolat coule en mince filet, les couleurs utilisées, toutes dans le même ton, ainsi qu’une lumière diffuse, caractérisent suffisamment l’empreinte de la personnalité de l’auteur de la photographie et permet sa protection au titre du droit d’auteur ».
La titularité des droits n’étant pas contestée, la Cour na pu que constater la contrefaçon et écarte sans surprise la bonne foi alléguée par la société contrefactrice en rappelant le principe selon lequel en matière de contrefaçon, la bonne foi est inopérante.
- Sur la concurrence déloyale
La Cour écarte l’existence d’un faute caractérisant une concurrence déloyale ainsi que celle d’un comportement parasitaire.
La cour considère en effet que les éléments repris par l’appelante sont largement partagés par tous les acteurs du secteur du bâtonnet glacé à savoir :
- L’idée n’a pas été inventée par la requérante mais importée par elle des Etats-Unis ;
- Ce concept (d’esquimaux glacés aux fruits frais de saison) était également connu en Europe, avant le début d’activité de la requérante ;
- D’autres fabricants de glaces en bâtonnets utilisent le même type d’effets visuels et narratifs pour présenter leurs produits (un bâtonnet tenu avec une main visible ou non, une présence des fruits et ingrédients utilisés à proximité du bâtonnet, un choix de couleurs acidulées et d’un environnement » nature « ) ;
- L’enrobage, présenté par l’appelante comme sa marque de fabrique, est en réalité usuellement utilisé par nombre de ses concurrents (sans que l’enrobage utilisée par la requérante soit significativement différent de celui de ses concurrents pour un consommateur moyennement attentif) ;
- Le caractère identique des moules utilisés s’explique par son caractère extrêmement commun dans le domaine des bâtonnets glacés ;
- L’usage de flèches en écriture cursive sur Instagram, pour présenter la composition des bâtonnets glacés n’est pas propre à la requérante s’agissant d’outils graphiques mis à la disposition de chacun des utilisateurs de ce réseau social
- Que le savoir-faire en matière de bâtonnets glacés fabriqués de manière artisanale avec des produits frais, naturels et/ou biologiques est largement partagé pas les acteurs du secteur, y compris dans les modes de communication et de publicité utilisés.
Si la photographie est originale justifiant ainsi la condamnation sur le fondement de la contrefaçon, il n’en va donc pas de même du « savoir-faire » revendiqué par la requérante et la demande est rejetée en ce qu’elle est fondée sur la concurrence déloyale.